Pierres ventilées
- Creative Fields Expositions personnelles
Les pierres ventilées, thème récurrent dans l’oeuvre de l’artiste, ont été présentées pour la première fois à la galerie “Le Bateau Ivre” en 1989. Il s’agit de l’association de pierres calcaires qui présente une légère courbure naturelle avec des ventilateurs généralement trouvés aux puces. Les éléments sont placés adéquatement à bonne distance de sorte que la pierre semble avoir été façonnée par le vent…
Daniel Dutrieux : poète, tailleur de roche, méditateur du monde. Il est né en Belgique et connaît la géologie réelle et interprétée de son pays ; il nous rappelle de façon latérale qu’il parcourt l’espace du dedans. Les hauts volumes qu’il lève en site et en charpente sont écrits comme des transparences qui ne dévoilent un sens que grâce à des points de repère. Parfois, il s’agit de palper la masse afin que débute une parole : ce sont les travaux consacrés à l’étude de la matière, et qui sont un crible d’elle. D’autres fois, ce sont des pistes, dégagées de toute vue esthétique, permettant de se guider à l’aide de quelques signes, de quelques recels – , l’humus devient oracle, la Terre s’ouvre à un arrière-fond allusif. Tout cela ne serait qu’une conscience se mettant en travers d’un intelligible – or, le recours au langage des aveugles, le Braille, se montre ici forme et acte, et ainsi le réel est-il d’abord unité, et non corps parfait. Semblable à une entreprise spinozienne, l’oeuvre de l’artiste conquiert le logis où nous avons été jetés pour vivre, aimer et mourir. L’art s’apparente à un mode de connaissance mais, ne se soutenant jamais d’un savoir légal, il laisse advenir un absolu tangible, non fini, éternel parce que présent. Voici le charbon valant pour un nouvel équilibre des Nombres. Voici une pierre ventilée qui signifie la controverse inouïe entre Eole et les Titans des origines. Avec cet essai d’une nomenclature universelle qui ne fût un calcul tourné vers soi, l’illusion qui nous tenait séparés des choses – nos langues, nos symboles – cesse de nous écarteler, et le monde s’abîme-t-il dans une divine imprudence qui le subtilise et le retrouve.
Aldo Guillaume Turin, 1988
Pierres ventilées, Galerie “Le Bateau Ivre”, Redu, 1989